Tapis persans en Iran : savoir-faire ancestral menacé par les sanctions et la concurrence mondiale
Contexte et défis du secteur des tapis persans
Dans le nord de Téhéran, une boutique expose des tapis anciens et coûteux, témoignages d’un artisanat qui demeure une part du patrimoine iranien. Le 9 septembre 2025, les regards se tournent vers une filière qui a longtemps nourri l’image culturelle du pays, tout en étant désormais confrontée à des difficultés économiques et politiques.
Les tapis persans faits main constituent un savoir-faire ancestral qui a contribué au rayonnement culturel de l’Iran. Ils peinent toutefois à survivre dans un contexte marqué par des sanctions et une crise économique qui limitent la demande, aussi bien à l’intérieur qu’à l’étranger.
Autrefois, le secteur représentait une source d’exportations hors pétrole majeure pour l’Iran, avec des recettes estimées à plus de deux milliards de dollars au sommet, au début des années 1990.
Chiffres marquants et débouchés historiques
Aujourd’hui, le secteur peine à dépasser 40 millions de dollars de recettes annuelles. La relance économique n’a pas permis de rétablir le marché américain, principal débouché, après le retour des sanctions américaines en 2018.
Selon Zahra Kamani, directrice du Centre national du tapis, les États‑Unis représentaient alors plus de 70 % des exportations de tapis persans, ce qui explique en partie le choc subi par le secteur à l’instauration des mesures punitives.
Marchés internationaux et concurrence
Les tapis persans se heurtent désormais à une concurrence féroce d’imitations de moindre coût venues d’Inde, de Chine, du Népal et du Pakistan. Ces produits, moins chers, gagnent des parts de marché et touchent même le territoire iranien, où ils menacent des millions d’Iraniens travaillant dans la filière. On estime que près de deux millions d’Iraniens vivent de la fabrication ou de la vente de tapis, majoritairement des femmes, parfois rémunérées à des niveaux modestes.
En dépit des difficultés, les tapis iraniens ont quand même trouvé preneurs dans 55 pays l’an dernier, parmi lesquels l’Allemagne, les Émirats arabes unis, le Japon et la Chine. Néanmoins, la concurrence étrangère demeure une menace majeure pour les artisans et les petites entreprises du secteur.
Impact sur le secteur et témoignages
La concurrence importée surcharge le marché national et met en péril des lieux de production traditionnels. Des commerçants rencontrés à Téhéran évoquent une réduction des parts de marché et la difficulté croissante d’attirer une clientèle étrangère, en partie en raison des tensions géopolitiques et des coûts de transport.
La dépréciation rapide de la monnaie iranienne, conjuguée à l’inflation, rend les tapis fabriqués à la main moins accessibles pour de nombreux acheteurs internationaux et entrave les commandes étrangères.
Dans le cadre des dynamiques de demande domestique, certaines familles hésitent à financer des tapis tissés à la main pour des occasions familiales, comme le mariage, alors que des alternatives produites en usine, moins onéreuses, sont privilégiées, au détriment de la qualité artisanale.
Ainsi, une jeune professionnelle iranienne évoque le souhait de disposer de tapis tissés à la main pour sa dot, mais les coûts restent un obstacle important, et beaucoup renoncent à investir dans des tapis traditionnels au profit de modèles industriels.
Réponses publiques et voies de relance
Pour soutenir ce savoir-faire ancien, les autorités évoquent des mesures destinées à promouvoir et faciliter les exportations au bénéfice des commerçants iraniens. Le ministre du Commerce a récemment indiqué que des accords avaient été signés pour dynamiser l’accès aux marchés internationaux et faciliter les échanges commerciaux.
Des réflexions portent également sur l’orientation des offres vers des marchés spécifiques et la valorisation du patrimoine artisanal iranien comme atout compétitif sur les réseaux mondiaux.
Des voix du secteur soulignent la nécessité d’un rééquilibrage entre tradition et modernité: il s’agit d’élargir les motifs et les matières utilisées, de renforcer la marque des producteurs et d’exploiter les réseaux sociaux pour attirer les clients, notamment à l’international. L’objectif serait de concilier authenticité artisanale et adaptation aux tendances du marché.
Éléments de vie locale et d’héritage
Dans la région du nord-ouest, le marché historique de Tabriz, considéré comme l’un des plus anciens bazars du Moyen-Orient, demeure un lieu symbolique où des artisans continuent de restaurer et de valoriser des tapis historiques, témoignant d’un patrimoine vivant.
Conclusion et enjeux futurs
Le secteur des tapis persans reste attaché à son héritage tout en recherchant des solutions pour préserver l’emploi et soutenir les artisans. Les défis liés aux sanctions, à la concurrence étrangère et à la volatilité économique nécessitent des approches plurielles, mêlant soutien public, innovation commerciale et visibilité sur les marchés internationaux.